Pénurie d’eau et cherté des intrants aidant, la saison de la moisson s’annonce, cette année, mi-figue mi-raisin. Les céréaliculteurs n’en finissent pas de pousser des cris de détresse, sollicitant l’intervention de l’Etat pour les gratifier d’indemnisations. Comme c’est le cas à Kairouan.
Dans le gouvernorat de Kairouan, la campagne des moissons s’annonce quelque part difficile à cause des mauvaises conditions climatiques marquées par une sécheresse prolongée, des prix de plus en plus chers des engrais minéraux et du manque flagrant de main-d’œuvre.
Selon les estimations du Crda, la récolte céréalière, qui démarrera demain, serait de l’ordre de 980.000 quintaux contre 1.800.000 l’année dernière, soit une baisse de 100.000 quintaux. Au total, 11 centres de stockage assureront la collecte de la récolte, sachant que la capacité dans toute la région est de 280.000 quintaux.
Donc, une grande quantité de la production sera acheminée vers d’autres zones de stockage situées hors du gouvernorat.
Tous à l’œuvre
Afin de mener à bien la campagne des moissons, les techniciens agricoles ont effectué des visites de supervision dans toutes les délégations pour remédier à temps à toute forme de pénurie et évaluer les besoins du gouvernorat en fils à presse, en dépôts de stockage et en matériel roulant.
En outre, on a incité les fellahs à respecter, au moment de la moisson, le taux d’humidité des grains qui ne doit pas dépasser 1.290 du poids net.
Par ailleurs, les gardes forestiers, qui travaillent en étroite collaboration avec la Protection civile de la région, ont mobilisé tous les moyens humains et matériels pour faire face à d’éventuels incendies, avec notamment l’installation de grandes citernes d’eau dans les principales étendues boisées du gouvernorat pour faciliter la tâche des sapeurs-pompiers en cas d’incendies, l’entretien des tranchées pare-feu et le renforcement du gardiennage dans les zones forestières. Sans pour autant oublier la préparation des pistes agricoles, la lutte contre les oiseaux et la constitution de comités locaux pour protéger les stocks des céréales des pillages.
La campagne des grandes cultures a été cependant émaillée par des vents violents et des chutes de grêle survenues au cours de la première semaine du mois de mai, et qui ont eu raison de grandes étendues d’emblavures céréalières, surtout dans les délégations de Kairouan-Sud, Kairouan-Nord et Bouhajla.
Les intempéries ont causé beaucoup de pertes
D’ailleurs, les responsables de l’Union régionale de l’agriculture ont lancé un appel pressant au gouvernement pour indemniser les agriculteurs sinistrés à travers le Fonds d’indemnisation des calamités naturelles. Et pourtant, les céréaliculteurs sinistrés continuent de faire contre mauvaise fortune bon cœur, en dépit des pertes qu’ils ont subies, car, pour eux, l’année sera, partout, bonne et c’est l’essentiel dans l’esprit de tout agriculteur. Mais là où le bât blesse, c’est que l’on commence, d’ores et déjà, à évoquer une grande pénurie de main-d’œuvre qui risque de mettre à mal le bon déroulement de la campagne de moisson, malgré le chômage qui prévaut dans le gouvernorat. Car, le travail dans le secteur agricole n’attire plus, malheureusement, les demandeurs d’emploi qui le boudent et préfèrent, plutôt, la fonction publique comme gage de sécurité et pérennité.
Par ailleurs, beaucoup de fellahs ont souffert cette saison de la pénurie de DAP et d’ammonitre. Mokhtar Fatnassi, exploitant d’une superficie agricole de 14 ha de céréales en irrigué à Sbikha, a souffert du déficit de la pluviométrie durant plusieurs mois: «J’ai l’habitude de récolter 800 quintaux. Cette année, je m’attends à n’avoir que 600. Normalement, je procède à six irrigations suivant les besoins du cycle végétatif des céréales. Cette saison, j’ai dû faire 10 irrigations à cause du manque de pluie. Je dépense en moyenne mille dinars par hectare pour préparer le lit de semis et pour les semailles, sachant qu’en plus j’ai dû payer mes ouvriers permanents ». Et de finir par se plaindre : « Côté engrais minéraux, ils deviennent de plus en plus chers à cause de la voracité de certains spéculateurs, sachant qu’un hectare exige 750 kilos de différents engrais, outre les factures d’électricité salées, les frais de labour élevés…»